J’ai toujours tendance à penser que ce n’est pas pour moi, que cela ne m’était pas vraiment destiné ou que c’était un mouvement machinal et rapide, instinctif et non pensé.

J’ai une vie plutôt bien réglée, les gens que je croise dans l’ascenseur du bureau, je ne cherche ni ne croit aux aventures, et ceux qui n’ont pas une raison de me connaître, ne me voient pas.

Sauf, peut-être, en y réfléchissant bien... la vieille dame sur le passage piéton, c’est peut-être bien à moi qu’elle a fait un geste de remerciement, pas à ma voiture.
La couleur de la voiture, elle ne l’a même pas remarquée, pourtant elle a fait un geste à une personne sans visage derrière le reflet du pare-brise. Elle a deviné quelque chose d’important à ses yeux : une personne qui l’a vue comme une personne et qui lui a fait signe de passer.

Logiquement, ce n’est pas au véhicule qu’elle a envoyé ce merci. Il va falloir que j’y pense et que je m’en rappelle dans cette tour de verre où l’on se croise en courant sans se regarder...

Dans une journée entière, il y en a peut-être d’autres qui m’ont regardé, ne serait-ce qu’un fugitif instant, comme une personne.
Tiens, aujourd’hui, je vais mieux regarder les gens pour voir s’il y a d’autres grand-mères qui me font un geste de la main.

J’ai noté dans un coin de mon calepin « le regard de la vieille dame sur le passage piéton ».
Si quelqu’un d’autre le lit, il ne comprendra pas, mais pour moi ce sera un merveilleux déclic mnémotechnique pour me rappeller qu’il ne suffit pas de regarder, mais qu’il faut aussi voir !

P.-S.

  • Photo de Robert Rozier.