Déroutants, fatigants...
Les caprices des enfants sont des étapes nécessaires dans leur conquête d’autonomie.

Pour éviter qu’ils n’empoisonnent la vie familiale, mieux vaut les décoder et apprendre à les prévenir !

  • Lucas, 2 ans, trépigne dans l’allée d’un hypermarché parce que sa mère lui refuse un jouet...
  • Elodie, 5 ans, hurle parce que son père l’oblige à lui donner la main pour traverser une route...

Quels parents n’ont pas connu ce type de situations, exaspérantes et d’autant plus embarassantes qu’elles se produisent fréquemment en public, devant d’autres adultes souvent très prompts à stigmatiser ce manque d’autorité ?

Ces caprices sont naturels”, rassure Christine Brunet, psychologue clinicienne et psychothérapeute, auteur de « C’est pas fini ce caprice ? » [1].
Les enfants éprouvent le besoin de s’affirmer et de gagner en autonomie en exprimant leurs propres désirs et en revendiquant le droit de faire des choses « tout seuls ».
Or, ces désirs se heurtent fréquemment aux règles élémentaires de prudence ou au principe de réalité.

 Tester les limites de ses parents

L’enfant ne comprend pas pourquoi le monde extérieur lui résiste, il découvre qu’il n’est pas tout-puissant et exprime son désarroi à travers des cris et des pleurs qui nous paraissent disproportionnés.
Dans le même temps, le caprice ou l’opposition sont pour lui le moyen de tester les limites de ses parents et de se rassurer sur leur solidité.

Cela dit, que faire lorsque les relations avec notre enfant menacent de tourner à l’épreuve de force ?
D’abord, dédramatiser la situation et éviter de répondre à la colère par la colère ou la violence.

Si l’enfant constate que nous entrons dans son jeu, il se sentira légitimé dans mode de fonctionnement et d’expression. Et voyant qu’il a le pouvoir de nous faire sortir de nos gonds, il sera plus que tenté de renouveler l’expérience.
Autant que faire se peut, mieux vaut essayer de garder son calme et, à défaut, quitter la pièce ou demander à l’enfant d’aller exprimer sa colère dans sa chambre.

A faire A éviter
- garder son calme - se mettre en colère
- dédramatiser - stigmatiser l’enfant
(en lui disant par exemple “Tu es vraiment une teigne !”)
- faire diversion - multiplier les obligations
- décoder le caprice
(s’efforcer d’en reparler à froid avec l’enfant)
- multiplier les interdictions
- motiver ses interdictions - céder systématiquement
- motiver ses injonctions
- annoncer à l’enfant à l’avance ce que l’on attend de lui

« On peut aussi couper court au caprice en entrainant l’enfant dans une dynamique positive » suggère Christine Brunet. « S’il refuse de mettre son manteau, par exemple, proposez-lui une alternative qui lui permette de sauver la face : “Emporte ton manteau, tu le mettras dans la rue si tu as froid.” »

On peut aussi lui faire accepter une injonction en lui expliquant que nous devons nous-même respecter des obligations : « Il faut que nous nous mettions en route, car on m’attend au bureau pour une importante réunion. »

Avec les plus grands, un trait d’humour ou une concession mineure permettent parfois de désamorcer la crise.
En tout état de cause, il faut éviter de stigmatiser un enfant en lui accolant l’étiquette « capricieux » : il se sentira incompris et risquera de vouloir confirmer ce jugement en se montrant à la hauteur de sa réputation...

A défaut de les supprimer, il est possible d’atténuer les caprices en repérant les situations qui les déclenchent. « J’ai cessé d’emmener ma fille de 5 ans au supermarché, témoigne Isabelle, 28 ans, car elle voulait systématiquement choisir les produits à ma place. »

 L’avis d’un psychologue et psychothérapeute

Patrick Estrade nous dit que “Plus on dit non à un enfant, plus il résiste !”

Les parents ont tendance à poser à leurs enfants beaucoup d’interdits et de contraintes arbitraires.
Ce faisant, ils les encouragent à abuser à leur tour du « non », sorte de formule magique qui leur confère du pouvoir sur autrui. Avant de formuler une injonction ou une interdiction, demandons-nous donc si elles sont réellement utiles et fondées, c’est à dire nécessaires à la sécurité de l’enfant ou au respect de la liberté d’autrui !

 Analyser pour mieux prévenir

Pour Christine Brunet il faut aussi éviter de prendre l’enfant au dépourvu.
Plutôt que de l’interrompre brutalement au milieu d’un jeu pour lui donner son bain, par exemple, mieux vaut le prévenir un peu à l’avance. Il obtempèrera d’autant plus facilement qu’il aura préalablement intégré la contrainte et n’aura pas le sentiment d’être livré arbitrairement à l’adulte.

Enfin, il est toujours utile de revenir « à froid » sur les raisons du caprice afin de mieux le décoder et de le comprendre : « Au square, mon fils de 7 ans s’est mis en colère parce que je minimisais une “insulte” prononcée par l’un de ses copains, témoigne Virginie, 36 ans. De retour à la maison, il m’a expliqué qu’il trouvait injuste que je ne gronde jamais les autres enfants alors que je le réprimandais, lui, lorsqu’il s’était mal comporté avec un autre. Je lui ai répondu que ce n’était pas à moi d’éduquer ses coapins. Mais j’ai aussi compris son sentiment d’injustice et j’essaie désormais de me montrer moins partiale quand je dois trancher un litige entre lui et un autre enfant. »

La colère ou l’opposition peuvent ainsi être l’expression d’un malaise que l’enfant ne sait pas exprimer, comme la jalousie, des difficultés d’apprentissage, une séparation de ses parents, la peur d’être abandonné...
L’avis d’un psychologue peut alors être nécessaire, et d’un grand secours, pour comprendre l’origine du mal être, rassurer l’enfant et rectifier notre attitude d’adulte, qui comme chacun le sait, avont la science infuse et savons mieux que les autres ce qui est bon et ce qui ne l’est pas !

P.-S.

Crédit photo : Bsip/Guillaume
Inspiré par un article de Bérangère Ducloux, 2006, Dossier Familial, ISSN : 0182-5100

Notes

[1] Livre publié avec Nadia Benlakhel, aux éditions Albin Michel dans la collection « C’est la vie aussi ».